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Une mini-révolution dans l’arrondissement du Maârif Des jeunes citoyens prennent le pouvoir et se substituent aux responsables de l’administration

Abderrahmane Rachik

Le 29 mars 2024, hier, un jour saint, le vendredi, je me suis rendu à Dar Khelifa au quartier Maarif à Casablanca pour légaliser ma signature pour des documents administratifs, j’ai assisté à une mini-révolution. L’esprit protestataire des jeunes du Mouvement du 20février n’est pas mort.
Au lieu de faire la queue et le désordre devant les guichets, L’Etat avait investi dans des machines électriques imprimant des numéros en série pour les usagers de l’administration et affichant en même temps le numéro du prochain usager qui va être servi. Ceci permet de rationnaliser la gestion des affaires administratives des citoyens, de limiter la corruption diffuse et d’éviter les éventuels conflits entre usagers. Le jeune agent de sécurité, avec la complicité de certains fonctionnaires, se substitue à la machine en distribuant des numéros qu’il a lui-même fabriqués. Il les a écrits à la main avec un stylo à bille bleu, en prétextant que la machine est en panne. Une trentaine d’usagers, assis et debout, attendent tranquillement chacun son tour.

Je me dirige vers la machine pour prendre mon numéro de queue. L’agent de sécurité est venu me voir pour me donner un petit bout de papier, sans aucune forme, déchiré à la main, où il a écrit le numéro 189. Alors que le prochain usager servi est le numéro 82. J’ai spontanément réagi en lui disant qu’il n’y a pas 100 personnes dans cette salle. D’une manière relaxe, il me répond : « il y a deux guichets, ça passe vite ». Deux heures après, les deux queues bougent timidement. Un jeune me dit qu’un monsieur « est venu après moi et il a un numéro de queue avant moi ». Le doute commence à s’emparer de la salle. En levant la voix, des jeunes filles et garçons exigent l’utilisation de la machine. Chemin faisant, on découvre des numéros de queue en double. Les usagers ont senti le coup fourré.

Plusieurs personnes commencent à protester contre cette situation absurde, kafkaïnne. Des jeunes crient à la corruption (rachewa), malgré la menace verbale d’un fonctionnaire-cadre qui s’éclipse rapidement. Une agitation collective créatrice est en oeuvre. Aucun responsable n’est venu pour calmer ou dialoguer avec des jeunes en ébullition. Le Caïd est apparemment absent. Un climat d’agitation s’installe. Les jeunes menacent de bloquer les guichets. Le jeune agent de sécurité se retire dans un petit coin. Un fonctionnaire vient pour relancer la machine en branchant tout simplement la prise électrique. L’un des jeunes révoltés commence à imprimer les numéros en respectant l’ordre d’arrivée des usagers à l’Arrondissement. Les jeunes ont imposé un nouvel ordre.

C’est l’ordre normal. Une véritable leçon de démocratie. Les jeunes ne participent pas seulement à la gestion des affaires administratives, mais ils se substituent aux fonctionnaires payés pour assurer leur bon déroulement de l’administration. Une fierté domine les visages des jeunes et des autres usagers. Ce n’est pas le cas pour les fonctionnaires derrière leurs guichets.

On découvre que des dizaines et des dizaines de numéros sont fictifs. Soit certains usagers quittent l’Arrondissement en prenant leurs bouts de papier numérotés avec eux, soit ces numéros sont réservés par l’agent de sécurité pour assurer une contrepartie pécuniaire auprès des usagers pressés ou ne souhaitant pas faire la queue comme tout le monde. Plus de deux heures perdues bêtement pour légaliser un papier. Merci aux jeunes, garçons et filles, qui ont brûlé leurs nerfs et calmer les nôtres. Ils ont réussi à rétablir l’ordre après l’anarchie créée par le responsable de la sécurité sous les yeux de tous les fonctionnaires.

A bon entendeur salut

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