عالم السياسة

Comparaison n’est pas raison, camarade de la motion de censure

Adam Boubel

Membre du Conseil National de la Jeunesse USFP

Secrétaire provincial adjoint de la Jeunesse USFP – France

Dans l’édito du mois d’avril du Monde Diplomatique, Benoît Breville cite un politiste coréen qui affirme la chose suivante : « les dirigeants politiques sont de piètres historiens. » Nous pouvons en réalité généraliser cette affirmation pour dire que, logiquement, à l’exception des historiens, nous sommes tous de piètres historiens. Cependant, contrairement aux responsables politiques, l’influence de notre utilisation de l’histoire n’atteint jamais le stade de la propagande ou de l’instrumentalisation.

Depuis quelques mois, l’on nous murmure peu à peu qu’une motion de censure sera déposée contre la gouvernement néolibéral Akhannouch. L’opposition s’oppose enfin, miracle !

Une première comparaison qui aurait pu être faite l’aurait été par rapport aux dizaines de motions de censures déposées par l’opposition en France, principalement par la gauche, mais également par le centre droit, la droite et l’extrême droite. Sur impulsion de la NUPES à l’Assemblée Nationale, les députés de la gauche ne ratent aucune occasion pour en introduire une, des fois « pour la forme », même si celle qui avait suivi la réforme des retraites avait rater sa cible de peu. Au Maroc aussi, sous l’impulsion de la coalition de l’USFP et le PPS, un accord de principe était sur le point d’aboutir avec les autres composantes de l’opposition, notamment le PJD et le MP. Ce n’est cependant pas la comparaison qui a été faite, et tant mieux. Ni les contextes politiques nationaux, ni la maturation des coalitions de gauche ne sont semblables entre l’Assemblée Nationale française et la Chambre des Représentants marocaine.

L’approche retenue est celle d’un retour sur les deux expériences avortées de motions de censure au Maroc de 1964 et 1990.

À première vue, tout semble coller : une USFP leader de l’opposition, des politiques impopulaires et antipopulaires, un pic du taux de chômage, un creusement des inégalités sociales effarant, un déficit démocratique de plus en plus étouffant, des prisonniers politiques croupissant en prison, un contexte international favorisant la prise de parole contre l’impérialisme et le sionisme. Néanmoins, recourir à cette comparaison fait de son auteur « un piètre historien ».

Constitutionnellement, la motion de censure est certes une procédure qui vise à renverser le gouvernement dans son ensemble. Un Chef du Gouvernement qui se respecte devra alors présenter sa démission et dissoudre la Chambre qui l’a limogé comme le lui permet l’article 104 de la constitution. Connaissant notre personnel politique, la reconstitution d’un nouveau gouvernement avec la même majorité sera surement la voie dorée. Politiquement, et alors que rares sont les motions de censure qui aboutissent dans les régimes parlementaires, elle permet de faire trembler l’assise des dirigeants pour leur rappeler que la démocratie est avant un retour permanent à la base.

Mais quels sont les déterminants de cette procédure de destitution du gouvernement ? On avancerait sans aucun doute que le délitement et la détérioration des conditions sociales, économiques et politiques est une réponse respectable et convaincante si jamais on venait à exposer en détail la situation que vivent nos travailleurs, nos étudiants, nos instituteurs, nos chômeurs, nos petits agriculteurs et en général les sans-voix de la société marocaine. Cependant, il ne faut surtout pas exclure de notre raisonnement la situation des partis politiques et de leurs groupes parlementaires puisqu’ils sont seuls à détenir le pouvoir d’enclencher cette procédure, à condition de réussir à rassembler un minimum de 79 représentants. Ainsi, l’analyse la plus sommaire de la condition des partis politiques d’opposition au sein du champ partisan et politique révèle les choses suivantes :

La motion de censure n’a aucune chance d’aboutir car aucun mouvement de fronde n’est palpable au sein de la majorité.

La simple organisation d’une motion de censure pour se donner une tribune n’apportera aucun crédit politique aux partis d’opposition qui n’ont aujourd’hui aucune assise populaire les soutenant à faire chuter le gouvernement.

L’USFP, qui a tenté de prendre la tête de l’initiative, se retrouve isolé du fait de l’instrumentalisation de la coordination avec l’opposition pour faire oublier les déboires et les scandales en cascades depuis les révélations de la Cour des Comptes concernant les malversations financières se rapportant à l’aide relative aux études et aux recherches.

Les partis d’opposition n’arrivent pas à cliver au niveau de l’opinion publique sur des sujets leur permettant de fédérer les marocains contre le gouvernement. Les seules causes pour lesquelles les marocains sont engagés ces derniers mois sont la cause du peuple palestinien frère et la réforme du code de la famille, deux sujets qui ne relèvent pas du gouvernement suivant une répartition coutumière des compétences entre le Chef de l’Etat et le Chef de son Gouvernement.

L’indécision de la direction de l’USFP qui oscille entre volonté de rejoindre l’exécutif et volonté de le faire chuter induit les autres partis ainsi que les militant à relever l’opportunisme de son action et à en faire un partenaire douteux. Le fait que ses élus locaux à Rabat rejoignent la majorité au Conseil de la Ville en catimini ajoute à cette confusion des choix stratégiques.

 Se précipiter à comparer la motion de censure qui fait tant débat aujourd’hui à celle de 1964 et 1990 a eu l’effet contraire voulu par les instigateurs de cette approche. Alors qu’ils voulaient récolter les fruits de la légitimité historique en relevant les points communs entre les diverses motions, les divergences, qui sont plus nombreuses, ont pris le pas. Comparer devient alors plus préjudiciable qu’autre chose. Sans une nouvelle direction sincère dans ses actions, aucune lutte ne sera possible pour imposer cette hégémonie de la gauche nécessaire pour politiser et conscientiser sur les préoccupations populaires actuelles, notamment la crise hydrique, l’inflation, le chômage, l’externalisation de la gestion des frontières par l’UE qui s’annonce plus exigeante alors que le Pacte sur la migration et l’asile vient d’être voté par le Parlement Européen et ne nécessite plus que l’aval du Conseil de l’UE pour entrer en vigueur, la dépossession de nos richesses naturelles halieutiques, la dégradation de la situation des droits humains, la casse orchestrée du service public et le dopage des alternatives privées, etc. Le cynisme politique et les calculs politiciens ont atteint leurs limites. Nous faisons partie de cette jeunesse qui a toujours été interdite de rêver, d’imaginer, mais ce cycle politique commence à émettre des odeurs de fin de règne. Comme le dit si bien Abdallah Laroui dans ses « Carnets Covid », « En politique aussi il faut un peu de romantisme, d’imagination. Sinon, le réalisme se transforme immanquablement en opportunisme » (p.59).

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